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19/07/2015

Action Vérité

 

Amandine n'avait pu réprimer une grimace de dégoût. Elliot avait un bec de lièvre qui entravait son élocution. Une partie de son visage était tâché comme s'il avait été brûlé vif. Cette rencontre l'avait d'autant plus surprise que sa silhouette bondissante ne laissait pas présager une telle monstruosité. Au fil des jours elle avait appris à l'aimer, sa drôlerie, sa façon de danser époustouflante. Ses cheveux longs cachaient des yeux gris. Elle les avait oubliés et ce fut après la disparition qu'elle s'en rappela. Elliot se volatilisa comme une ombre quand le soleil apparaît. Elle ne lui avait auparavant jamais posé de questions. Elle  préférait lui tenir la main. Il disparut un jour de neige, sans emporter de bagage. Au beau milieu des sapins et des guirlandes en aluminium.

Chaque matin, au réveil, elle imaginait son retour. C'était devenu un rituel matinal au même titre que le café ou l'eau froide sur le visage. Elle se le représentait avec une barbe de plusieurs jours, il la prenait dans ses bras, ne lui donnait aucune explication et finissait sa vie avec elle, sur un tapis en duvet, au pied d'une cheminée, avec des enfants qui courent derrière les canapés. Mais chaque jour la maison était vide, la journée s'écoulait sans lui. Il avait bel et bien disparu, sans l'embrasser. La gendarmerie n'attacha aucune importance à ce qui ressemblait à une fugue ou à un départ volontaire.


Aucune dispute n'avait précédé son départ.
Aucune mésentente.
Aucun conflit.

Amandine était certaine que l'affection d'Elliot  le dévorerait  comme au premier jour et qu'il n'oublierait jamais les yeux ronds, les boucles, le visage d'angelot de sa compagne et le poids des ans sur leur amour.

Trois mois s'écoulèrent. La pelouse verdissait.

Il revint et lui offrit une marguerite. Elle le reçut comme dans ses songeries matinales sans lui poser de questions. Il ne lui donna aucune explication, jusqu'au jour où, un croissant à la main, il lui raconta tout. Elle avait toujours cru qu'il était fils unique. Or son frère vivait en Suisse, dans un chalet, atteint également d'une malformation génétique et avait décidé de passer sa vie à l'abri des regards. Il l'avait découvert blême, allongé sur son lit, sans médicament. En le voyant, Elliot s’était lancé : "J'ai voyagé pour te dire que l'amour existe, que je l'ai rencontré, il y a dix ans, et que tu peux sortir de ta cachette." Son frère était blanc comme un linge, mais Elliot sentit qu'à ces mots ses yeux pétillaient.

Amandine vola dans les bras d'Elliot et la tasse de café se renversa sur les cuisses du malheureux.

 

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