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06/02/2015

Sagan des villes et Sagan des champs

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Les grandes villes n'existent pas est une méditation sur la vie à la campagne, de l'enfance à l'âge adulte. Sur le bonheur, quand la vie palpite autour du stade municipal, de l'élection de la Rosière sur un char à foin, ou encore de l'ail sauvage que les enfants ramassent, dans les marais fiévreux. Cécile parle pour tous ses copains de classe, ses ex, ses voisins, tous ceux qui savent ce que c'est que de vivre à 30 kilomètres du premier centre commercial. Cécile n'écrit pas Guerre et Paix. Une description libre. Quelquefois bouleversante. Elle passe du coq à l'âne, de l'école à l'Église, du loto aux premiers scooters. Indépendamment de ces instantanés, une voix émerge, mélancolique et vive. "Mais l'église, c'est surtout le lieu, où même si on ne croit pas en Dieu, même si on n'y comprend rien, si on n'y ressent rien, on préfère tout de même s'y montrer sous son meilleur profil."Et une image m'a traversé l'esprit en la lisant, celle de Françoise, avec ses fulgurations et ses aléas. Cécile aura sans doute des ratés : elle racontera peut-être mal la vie d'une copine qui vend des aspirateurs, mais, un jour, tu verras, elle nous renversera sur sa mob.

Les grandes villes n'existent pas. Cécile Coulon - Seuil

03/02/2013

La Bretagne, ça vous gagne.

Saint-malo est un hors-d'oeuvre, une fondue de poireaux sous les noix de Saint-Jacques, rien de plus. Un office du tourisme pour les usagers du Tgv. Mais il faut s'enfoncer dans les terres, ramasser des bruyères en silence, boire à la fontaine de Barenton, marcher sur les pas de Tess dans les chemins boueux de Locronan,  discuter avec des suicide girls dans les rues du Bono, pour que la Bretagne vous laisse entrer, pour goûter aux lèvres de Mélusine.

Il y a dans le granit de Saint Malo, comme un goût des départs et de la résistance à l'oppression. On ne fait pas de quartier à Saint Malo. Si la ville est détruite, on reconstruit. Le Breton est persévérant. C'est une cité moderne avec un charme fou. Se balader à marée haute sur la muraille, retrouver Margot derrière les flots bleus, la piscine au plongeoir rouillé, les hôtels qui puent le poisson. Il y a des originaux qui lisent Chateaubriand sur sa tombe. Filez manger des pommes de terre salées au Chalut, vous m'en direz des nouvelles. Les omelettes de qui vous savez où savez, c’est rien. Sur la longue plage, le bar rasta promène sa silhouette burlesque, je ne vois pas pourquoi Bob Marley s’y serait arrêté, excepté pour jouer au ballon rond, à moins que ce ne fût une parenté pirate avec la Jamaïque et que Surcouf vînt y danser le reggae.

 

La muraille joue le rôle d’écran acoustique, nous cessons nos conversations.

 

Un chapeau, une cité corsaire, une manière d'huître.

30/09/2012

Bonne convalescence à l'alpiniste

 

 

Les gens de Chamonix skient comme des dieux dans la forêt, font la première trace sur la Mer de glace. Ils ont des petits soldats sur leurs étagères et dans leur tête, des exemplaires du journal de Spirou sous leur lit, et quand ils ouvrent la fenêtre, ils voient la montagne.

Ils sautent des corniches de 15 mètres. Les filles de Chamonix mettent leur numéro de téléphone sur des billets de train, portent des anoraks et embrassent tous les garçons dans les compartiments.

Ils jouent aux échecs. Quand ils retournent chez leur maman à Chamonix, ils font croire que leur téléphone grésille pour que leur copine ne le sache pas. Les garçons de Chamonix sont pompiers, pisteurs, croupiers, guides de haute-montagne ou travaillent au PGHM. Moi, je m'en fous mais eux, on ne peut pas leur enlever  le Mont-Blanc deux jours. Ou deux nuits. Les soeurs des gens de Chamonix sont jolies et boivent des alcools forts dans des bars en bois. Les gens qui ne sont pas de Chamonix ont envie de les réchauffer.

Ne leur dites pas qu'ils habitent aux "Houches" car l'appellation les vexe profondément et on ne sait pas de quoi ils sont capables. Chez eux, la saison commence toute l'année. La randonnée, l'escalade, le parapente, les raquettes, les cascades de glace, les trekks, le ski de rando, de piste, le hors-piste, les descentes chinoises, le rafting, le fartage, les balades en forêt, le génépi, les refuges, le Tour du Mont-Blanc, le Mont Saint-Bernard.

Quand ils partent en vacances, ils vont skier dans l'Atlas, au Kilimandjaro ou au Népal, tellement les aut' montagnes elles sont petites pour eux. Tellement c'est difficile, les gens qui sont pas de Chamonix trouvent que c'est du travail. 

En Novembre commence la saison des Norvégiennes, juste avant les filles du Séminaire Flodor et pendant les Italiennes. Les gens de Chamonix sont cosmopolites mais avec leurs grossses doudounes, ils font du bruit la nuit et ça fait un peu peur. 

Nous sommes un peu jaloux, car l'Aiguille du Midi n'est pas notre fiancée. 

 

30/12/2011

La Pays perdu, de Pierre Jourde

Encore une délicieuse chronique littéraire de Félix libris. Rejoignez avec lui la Congrégation des crapules et des fantasques et envoyez-nous des contributions !

21/12/2011

Quatre à quatre

Rue de Ponthieu, il ya des grands noirs qui jouent au loto avec des valises diplomatiques. Rue de Ponthieu, il y a des bureaux qui ont appartenu à Francis le Belge.  Avec des boitiers usagers qui ressemblent à des détonateurs.

 

Je n'ai pas envie que mes héroïnes ressemblent à Anna Karina, je n'ai pas envie que mes héroïnes ressemblent à Claude Jade, je n'ai pas envie qu'elles ressemblent à Françoise Dorléac, je ne veux que des filles maquillées, artificielles et sans conversation.

 

Trois comme les rois mages, les doigts de la main. Bref elles sont trois.  Lisa habite une rue orientée vers l'Est et adore la sensation du soleil qui réveille son visage, à huit heures du matin quand elle se dirige à tâtons, les yeux dans la lumière, vers la station la plus proche.  Elle passe devant une épicerie dont la devanture est illisible. Elle aime la fatigue oculaire du soleil. Le soleil, c’est gratuit.

 

Lisa veut un homme, un vrai.

 

Lisa, lorsqu'elle plonge son visage dans l'eau fraîche du lavabo, elle entend des aéroplanes. Les pandas aiment les hautes branches; mais pas les vols planés, alors, elle lève les yeux et fait une mine de déterrée, comme si on avait volé les ailes de l'Ange Gabriel. «  On devrait jeter les aviateurs au trou » répète-t-elle,en boucle.

 

Viviane a l’allure d’une rose de Bretagne et vit dans un pavillon de banlieue  où elle aime respirer. La pelouse est moche, la pelouse est jaune, mais elle sent bon. Elle l’arrache et la jette en l’air. Viviane lit.

 

« Encore un bouquin féministe ! » s'écrie Charline. »

Charline passe son temps à la piscine avec son grand chapeau plat. On la prend pour une américaine.

 

Les trois filles décident de braquer une banque parce qu'elles ont été licenciées. Quand on est licencié on ne fait plus de shopping, et quand on ne fait plus de shopping, on laisse le shopping aux grosses nulles qui ont mauvais goût.

 

- Et la chocolaterie ? suggère Viviane. Une chocolaterie?

Viviane lit trop. Viviane s'endort avec des sorcières rousses et Scott Fitsgerald qui fait du baise-main.

 

Les « pandas roux », c'est leur nom parce qu'elles se réveillent toujours à onze heures du matin.

 

Ajoutez une heure de maquillage, parce que c'est pas le genre à dévaliser une bijouterie en pyjama. 

 

Charline joue avec ses bouclettes et en regardant ses copines comme si elles avaient inventé l’eau tiède. Charline a des chapeaux noirs, comme dans les films français expérimentaux.

« Tu connais le coup de la pomme? »

 

Rue de Ponthieu, il y a des dealers de cocaïne, de grandes brunes avec trois couches d'autobronzant, une sandwicherie kasher et des salades à 15 euros.

 

Des acteurs doublent un film d’animation. Soyez sympas, rembobinez. La ville grouille d’activités incongrues. Soyez sympas, rembobinez. La ville grouille d’activités étonnantes. Tiens, je n’avais pas entendu ça.

 

Elles enfilent des collants sur la tête.

 

Rue de Ponthieu, il y a des faux-cils, des faux seins, des faux airs et des fausses montres.

27/11/2011

Les filles du huitième arrondissement

Elles achètent leurs vêtements chez Escada

S’appellent Iris Andy Marie-Sara

Prennent leur thé au Fujiyama

Jouent au poker avec José Garcia

Avec José Garcia

 

Elles ont un joli accent

Les filles du 8ème

 Arrondissement

 

Elles sont portées sur la bagatelle

Sur les pelouses à Bagatelle

Elles ont des roses plein leur dentelle

 

Elles lisent 99 francs

Les filles du 8ème

Arrondissement

 

Leurs copines sont anorexiques

Déprimées, boulimiques, botoxées, botuliques

Elles ont des tendances alcooliques

 

Elles font des cures de temps en temps

Les filles du 8ème

Arrondissement

 

Elles revêtent des capuches, des peaux de loups

Elles prennent le paquebot au mois d’août

Vivent à Neuilly, la Celle-Saint-Cloud

 

Elles ont des maris, des agents

Les filles du 8ème

Arrondissement

 

Elles connaissent bien les médecins

Les spécialistes, les généralistes, les podologues, les gynécologues

De l’hôpital américain

De l’hôpital américain

 

Elles mettent des serre-têtes en argent

Les filles du 8ème

Arrondissement

 

Elles aiment compter fleurette

Parc Monceau sur les pâquerettes

« Dieu si mon mari m’achète

Ce p’tit sac Chanel, promis

J’arrête »

  

Elles ont des goûts simples

Tout simplement

Les filles du 8ème

Arrondissement

  

Leurs amies travaillent chez Marionnaud, Kenzo, Shiseido

Elles mettent beaucoup d’autobronzant

Les filles du 8ème

 Arrondissement

 

Elles font du tourisme chirurgical

à Panama sur le Canal

à Rio, Buda u Casa

Places VIP Lady gaga

Leur maman ont l’alzheimer

Et ne se rappellent pas

où elles ont mis

où elles ont mis

Leur carnet de chèque

Où elles ont mis

Leur carnet de bal

 

 

Je crois que je suis pas amoureux

Pas amoureux

Des filles du 8ème

Arrondissement

28/09/2011

Reste-t-il du mascara?

 

 

Souvent lorsque je m’allonge auprès de la cheminée pour goûter aux plaisirs de l’hiver, ma bien-aimée lève ses yeux ronds écarquillés, sur ses pommettes, vers moi, et sous ses boucles blondes entortillées, m’interpelle : «  Te rappelles-tu, Stephan, des ocres de Sienne ? » ; Et tandis que mes paupières tombent, cette courte phrase ne me quitte pas : « Te- rappelles-tu, Stephan, des ocres de Sienne ? » Avons-nous assez d’imagination pour recréer des couleurs ? Ou sommes-nous condamnés à reprendre la route de Sienne ?

J’ai cherché longtemps une réponse. Songez que lorsqu’une personne disparaît, son timbre de voix est le premier à nous quitter. Enregistrons la voix des personnes aimées.

 

            Je bois un café noir, Piazza del Duomo. Sa mousse brunâtre laisse une trace sur les rebords de la tasse. Les passants sont rares à sept heures du matin. L’un d’eux, un chapeau de paille sur la tête a des airs de propriétaire terrien. La terre est encore féconde en Toscane, aussi verticale que ses arbres centenaires. Mon esprit divague et quelques pigeons voltigent devant les blocs de marbre blancs alternés de bandes sombres. La construction de l’édifice fut interrompue par la grande peste du XIVème  siècle, qui décima la ville. Le bâtiment gigantesque n’est donc plus que l’immense transept de l’Eglise primitive. La nef d’une blancheur d’albâtre ne vit jamais le jour…

 

             Ainsi prit fin le rêve d’innocence.

           

            Je décide de quitter la place. Quelques enfants tentent de saisir des pigeons. Les nuages éclairés en contre-jour prennent un aspect argenté. Je déambule dans les rues longues et étroites comme des tables de banquets. La phrase me fait frissonner. Les réverbères dans l’ombre matinale semblent des pendus aux gibets. Sienne est un écrin, cerné de Cyprès, vallonné de vignes, étouffé de chaleur toscane. Je croise un porche sous lequel Casanova a passé une nuit. On l’imagine vieillissant, avec sa canne, au détour d’une auberge. Les rues descendent comme dans un précipice. Aucun linge ne sèche sur les fenêtres de Sienne. La cité n’est pas miséreuse comme les villes du Sud et du Golfe de Naples, où les maisons sans crépi laissent un goût d’inachevé. Pas de volcan non plus. Tout est calme. Un vieillard assis sur une rambarde devant le Battistero fume une cigarette. Est-il dans le secret des couleurs ?

 

            Il me décrit d’une voix claire l’Hôpital Santa Maria Della Scala, les saignées effectuées au Moyen Age dans les services d’urgence, la volonté des édiles siennois d’en faire un établissement de pointe. « Les infirmiers devaient se laver les mains, les lits en bois étaient interdits pour lutter contre les acariens. » Mais l’hôpital a dû sa richesse à la peste et aux héritages nombreux qui s’ensuivirent. Sienne est une ville bâtie sur des cendres, sur les cadavres brûlés pour freiner l’épidémie. L’un des derniers à mourir dans le bâtiment, avant qu’il ne devienne un monument historique, fut Italo Calvino, l’auteur facétieux du Baron perché. Mais la beauté de Sienne n’est pas guillerette, elle est empreinte d’élégance. Les chevaux tombés, sur la Piazza del Campo, en forme de coquillage, lors de courses frénétiques, ont recouvert le sol, les portes et les murailles de sang séché.

 

            La toscane est volubile mais se tait entre 13 heures et 18 heures pour laisser à la ville son raffinement silencieux. Sienne est un monastère, ouvert sur des vignes qui naissent et meurent sur ses terres rocailleuses. Le soleil s’abat sur les visiteurs et les laisse exsangues sans volonté comme un lézard dont le seul désir est de profiter des rayons  brûlants. Nul n’ose percer son secret. Si sa place en coquillage est unique, et ne sacrifie pas au plan des villes romaines, la cité demeure une perle régulière. Rien n’est baroque à Sienne. Nul ne sait ce qui se passe dans les arrière-cours des castellari, ces hôtels particuliers que la bourgeoisie  a désormais investis.

           

            A quoi bon réformer la beauté. Elle est au rendez-vous nacrée d’ocre, et muette. Au couchant, il n’est pas rare de rencontrer  un frison ayant appartenu aux Médicis : il galope seul sur la Piazza, avant de s’engouffrer dans une ruelle, sa robe empourprée par le crépuscule. On raconte que lorsqu’une fille s’amourache d’un Siennois, elle passe déposer une branche d’olivier sur sa fenêtre. Si un moineau se pose sur le rameau, le garçon l’épouse. Les Siennois sont des plaisantins, cependant ils ont une conscience aigue de la splendeur de leur ville. On ne doit pas rire avec elle.

 

            Rassure-toi cependant, lectrice, l’époque où du poison était fabriqué dans des arrière-salles est désormais révolue ; mais les touristes sont des vampires, ils sucent l’âme des villes qu’ils visitent. Cette âme  se dissipe comme un parfum.

           

            La carte postale, l’odieuse, reste épinglée aux murs.

 

04/08/2011

Nuits laponnes

La Baltique a la blondeur de l'écume et porte la marque des jours de neige. Il est 23h30 aux portes de la Laponie. 9 degres celsius. Le vent balaie la rue principale et rosit les pommettes. Le Finnois reste inintelligible et c'est encore pire à l'écrit. "Je suis perdu" se traduit par" Olen menettänyt". 

Dans une région où il fait moins trente l'hiver, le rock est une question de survie. Nous prenons un bain de pureté car le vent passe la lumière au tamis.

Un air vivifiant, unique, une sorte de signature. La signature de la Baltique et de ses demoiselles d'honneur.

Les garçons en chemises de bûcheron et les jolies blondes ont encore des rêves. 6 mois d'obscurité, ça laisse le temps de rêver, de regarder la forêt ou de s'ennuyer. Il y de la richesse à s'ennuyer. C'est comme creuser le sable pour trouver des coquillages

Faudra faire gaffe, les finnois vont me pendre à leur étendage.  Solo de guitare. Coup de vent. Des joggeurs passent, jusqu'à 1 heure du matin. Lorsque l'été est là, les habitants en profitent jusqu'à la dernière goutte, l'hiver ils se glissent sous la couette. Tout le monde aime Moby et certaines finlandaises sont habillés comme des sacs, mais peu importe. Car la nature nous rappelle gentiment à notre humanité.

Minuit, la lune se lève et les rockeurs prennent leur petit déjeuner.

Nous n'avons que deux heures avant l'aurore. Dépêchons-nous et faisons l'amour.