UA-80663636-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

27/05/2013

L'odeur des absinthes

Orphée s'est retourné et Eurydice a disparu dans les fumeroles. La lave rougeoyait, les soupirs du volcan redoublaient indifférents à la perte d'un amour. Celui effusif d'Orphée pour sa muse, celui qui justifie qu'on marche calmement dans le monde souterrain pour la rejoindre, lui prendre la main et regagner la lumière écrasante de la Méditerrannée, les dessins blancs des mouettes, les bleuïtés insulaires et l'espoir de ne pas mourir.

Ils avaient tout misé sur la chair, et ils allaient tout perdre. Peu importe si les ruines grecques sont habitées par les Dieux, lorsqu'on se baigne, peu importe si quarante siècles nous contemplent, quand les grains de sel se glissent sur la peau.

Peu importe les livres, quand la mer est terrassée d'écume. Peu importe l'amour, quand il ramasse des coquillages.

Peu importe la mort, si le jour a des couleurs d'éternité.

Je veux mourir dans les bleus, que mes enfants courent un cerf-volant à la main, qu'ils lancent du sable, que leurs rires ne soient pas compromis par la chaîne des renoncements.

Le moment le plus idiot dans la vie d'un homme est celui où il glisse ses rêves sous le tapis. Nous nous enlacerons dans les étoiles de mer, tu glisseras des hippocampes dans la poche de ta tunique. Cet instant ne sera qu'à nous. Eole soufflera sur les braises et tes cheveux boucleront comme la anse des souffleurs de verre.

19:18 Publié dans AutobioGraphie | Commentaires (1) | | Digg! Digg |  Facebook |

12/04/2013

Stone et Rolling

La trotinette filait à la vitesse de l'éclair, tournoyait entre les passants, frôlait les panneaux signalétique. Tous deux nous chorégraphiions nos déplacements aux millimètres comme des danseurs étoiles, des virtuoses de la glisse urbaine, car à l'air libre, notre entente atteignait son apogée, tandis que nous profitions de l'espace confiné de l'appartement pour nous mettre sur la gueule. Des héros de la voltige. La réalité des trottoirs s'évanouissait sous nos planches. Le grand attendait le petit, le petit attendait le grand et nous n'attendions personne. Papa courait derrière nous dans l'espoir que nous le guettassions dans un sursaut étonnant de reconnaissance filiale. Mais tel était le prix de notre complicité, et lorsque pris d' un désir héroïque, je soulevais la jambe droite en arc de cercle, mon cadet faisait de même, râpait les murs, ouvrait haut la bouche, roulait des yeux, poussait un cri, et se ramassait, pour remonter dans la seconde tel un cowboy, sur son destrier, afin qu'il ne soit pas dit que l'enthousiasme fût éteint, la flamme retombée.

J'ai toujours eu l'oreille musicale. Les chansons que je fredonnais avaient pour mérite une mélomanie que les passants qui se décalaient se retrouvaient contraints d'apprécier, tandis que mon cadet beuglait comme un veau des refrains méconnaissables. Nous aimions nous frôler tels deux pilotes de meeting aérien, conscients des risques, maîtres des technique, au fait de leurs effets. Dans la dernière descente, Papa au comble du ridicule, nous prenait en photo, l'espace d'un cliché, nous devenions la septième merveille de la rue, les Paul et Pierre qui roulent.

Nous tenions à prouver que la sécurité nous importait. Néanmoins maîtrisant mal notre distance de freinage, nous nous arrêtions au milieu de la voie, plutôt qu'en amont, croyant prendre garde aux dangers, espérant lire dans les yeux de notre père de la fierté, malgré ses dénégations et sa promptitude à nous reposer sur le trottoir.

Puis je filais et tu refilais, non sans me lancer au vol des insultes fraternelles avant de piler net dans devant le cabinet d'ophtalmologie, but ultime de notre voyage. Je sonnais à la porte. Nous retirions nos casques. Papa pliait les trotinettes. Et nous prenions place sagement dans la file d'attente, soudain rendus à nous-mêmes et privés de nos tapis volants.

 

 

04/10/2012

Ma chambre

Des cassettes traînaient sur le sol de la vaste pièce, dans un recoin de laquelle une table immense jouait le rôle de bureau, sous une affichette de cinéma, Anita Ekberg étendue en peignoir sur deux chaises en acier, se reposant, sans doute frigorifiée après la baignade, le long de la Fontaine de Trévi. Les objets sont une trace tangible de notre passage sur terre, ce qui explique notre goût immodéré pour la matérialité. Un album de photo restait ouvert avec ma grand-mère faisant une grimace sur la route des vacances, un ami imitant le David de Michel Ange en jouant les gros bras un ticket de métro à la main, un montage photo d'une poubelle pleine à ras-bord de bières tchèques dans une auberge de jeunesse de Fortune, décorée d'un médaillon, représentant ma trombine, montage indélicat de ma photographe de marraine et qui n'est plus là pour donner à nos enthousiasmes le goût du concret. La mort approche et nous ne sommes pas venus pour ne pas être libres. Je rêvais d'être journaliste de presse écrite, et je me rappelle qu'un jour lors d'une visite du pape, elle m'a poussé sans ménagement dans une camionnette de l'Afp, qui transmettait par satellite les clichés de la Papamobile sillonnant fièrement les bords du Lac d'Annecy, sous le prétexte d'une béatification oubliée, et tandis que je discutais avec les reporters, je réalisais qu'il y avait dans son geste la certitude que nous ne sommes pas là pour renoncer à nos décisions enfantines. Dans l'album trônait une photo dédicacée de Lauren Bacall envoyée par la Warner aux fans lors de la sortie du Port de l'Angoisse. Je passais des heures entières à l'imaginer la signant pour un obscur cinéphile... Faite mienne depuis puisque glissée entre deux clichés, de ma sœur, et de Giulia, Venise, la volubilité, la bonne humeur, ha Giuilia ma correspondante italienne. Un jour elle me fit croire, qu'en Italie les spots publicitaires n'existaient pas et que les présentateurs vantaient les produits à bout de bras, tandis qu'une de ses amies profitait de ma crédulité pour se glisser derrière moi et me renverser une bouteille d'Orangina sur la tête.

Je passe la photo d'Afrique assis sur un crocodile. Brrr ...

Et puis, elle était là, au dessus du bureau, "El Desayuno" , une sérigraphie, grande brune, visage expressionniste, paumée du petit matin, des croissants sur la table. Une illustratrice barcelonaise étourdissante, Ana Juan.

Je sais qu'un jour une punaise à dû tomber, l'affiche se replier sur elle-même, et toi sœurette, toi Maman, vous avez, j'en suis sûr, pris la décision unilatérale de la mettre à la poubelle. Sachez que si j'apprends les circonstances exactes de cet autodafé, je vous aimerai toujours mais je vous renverserai un bol de tsatsiki sur la tête.

15:45 Publié dans AutobioGraphie | Commentaires (0) | | Digg! Digg |  Facebook |