04/10/2012
Ma chambre
Des cassettes traînaient sur le sol de la vaste pièce, dans un recoin de laquelle une table immense jouait le rôle de bureau, sous une affichette de cinéma, Anita Ekberg étendue en peignoir sur deux chaises en acier, se reposant, sans doute frigorifiée après la baignade, le long de la Fontaine de Trévi. Les objets sont une trace tangible de notre passage sur terre, ce qui explique notre goût immodéré pour la matérialité. Un album de photo restait ouvert avec ma grand-mère faisant une grimace sur la route des vacances, un ami imitant le David de Michel Ange en jouant les gros bras un ticket de métro à la main, un montage photo d'une poubelle pleine à ras-bord de bières tchèques dans une auberge de jeunesse de Fortune, décorée d'un médaillon, représentant ma trombine, montage indélicat de ma photographe de marraine et qui n'est plus là pour donner à nos enthousiasmes le goût du concret. La mort approche et nous ne sommes pas venus pour ne pas être libres. Je rêvais d'être journaliste de presse écrite, et je me rappelle qu'un jour lors d'une visite du pape, elle m'a poussé sans ménagement dans une camionnette de l'Afp, qui transmettait par satellite les clichés de la Papamobile sillonnant fièrement les bords du Lac d'Annecy, sous le prétexte d'une béatification oubliée, et tandis que je discutais avec les reporters, je réalisais qu'il y avait dans son geste la certitude que nous ne sommes pas là pour renoncer à nos décisions enfantines. Dans l'album trônait une photo dédicacée de Lauren Bacall envoyée par la Warner aux fans lors de la sortie du Port de l'Angoisse. Je passais des heures entières à l'imaginer la signant pour un obscur cinéphile... Faite mienne depuis puisque glissée entre deux clichés, de ma sœur, et de Giulia, Venise, la volubilité, la bonne humeur, ha Giuilia ma correspondante italienne. Un jour elle me fit croire, qu'en Italie les spots publicitaires n'existaient pas et que les présentateurs vantaient les produits à bout de bras, tandis qu'une de ses amies profitait de ma crédulité pour se glisser derrière moi et me renverser une bouteille d'Orangina sur la tête.
Je passe la photo d'Afrique assis sur un crocodile. Brrr ...
Et puis, elle était là, au dessus du bureau, "El Desayuno" , une sérigraphie, grande brune, visage expressionniste, paumée du petit matin, des croissants sur la table. Une illustratrice barcelonaise étourdissante, Ana Juan.
Je sais qu'un jour une punaise à dû tomber, l'affiche se replier sur elle-même, et toi sœurette, toi Maman, vous avez, j'en suis sûr, pris la décision unilatérale de la mettre à la poubelle. Sachez que si j'apprends les circonstances exactes de cet autodafé, je vous aimerai toujours mais je vous renverserai un bol de tsatsiki sur la tête.
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