04/11/2013
Les grands Entretiens du mardi de Pardie - Fred Bernard
Rose et l'Automate est le vingtième album jeunesse que Fred Bernard écrit avec François Roca. Le tandem ensorcelle les lecteurs avec ses histoires mystérieuses et sa sophistication graphique à couper le souffle. Fred publie également en 2013 des Chroniques de la vigne qui renouent avec ses racines bourguignonnes et qui s'adresse cette fois à un public qui a le droit d'acheter du vin dans les supérettes. Dans ses albums jeunesse, il refuse le simplisme et prend plaisir à réveiller l'adulte qui sommeille en chaque enfant.
Bonjour Fred Bernard, vous sortez votre vingtième album jeunesse avec François Roca, pouvez-nous nous en dire plus sur l'organisation de votre travail, comment vous partagez-vous scénario et graphisme?
Chacun sa partie. Nous procédons de la même manière depuis le premier album La Reine des fourmis a disparu. François et moi nous mettons d'accord sur un thème, une situation historique ou géographique, nous échangeons des idées de personnages pour moi, des envies de dessins pour François. Nous en parlons aussi avec notre éditrice, Lucette Savier, qui donne son accord. Ensuite à moi de jouer ! Je dois satisfaire tout le monde et me faire plaisir. En général ça marche sinon notre association serait finie depuis longtemps. Mais ce n’est jamais gagné d'avance et nous avons dû abandonner une ou deux fois parce que trop mal engagé, ou parce que nous n'étions pas prêts. J'écris le premier donc, un texte non définitif, que je lirai à François, accompagné parfois de quelques croquis si nécessaire.
On en parle. Parfois, je retravaille un peu et quand tout le monde est d'accord, nous réalisons le découpage ensemble, c'est un moment très important, et je passe alors le relais à François.
François commence avec un plan précis, mais à lui de le modifier si une meilleure idée d'illustration lui vient en cours de route. A chaque doute, nous discutons et ça redémarre jusqu'à la fin où le texte sera encore poli et remodelé, un peu en fonction de l'ensemble des dessins. Il faut que tout roule, glisse et semble être réalisé par une seule et même personne dans l'idéal. Autant avouer que nous sommes rarement satisfaits à 100% mais si nous ne sommes pas sûrs de nous, nous recommençons…
Quelle part est réservée à l'infographie ? Dans des albums comme Anouketh ou Rex et Moi, le graphisme semble très "léché", sans scorie. Est-il purement numérique?
La seule part de numérique, ce sont mes textes… Toutes les illustrations de François sont réalisées à la peinture à l'huile. Les originaux sont d'ailleurs toujours vraiment plus impressionnants que le livre ! Il faut se précipiter quand une expo a lieu…
Le lecteur est également happé par l'originalité du récit. Et il me semble déceler dans vos albums un refus de la simplification que pourrait imposer la littérature jeunesse. Est-ce qu'une fois terminés vos albums gardent pour leurs auteurs une part de mystère?
Certains oui, et c'est volontaire, notamment ceux écrits pour les plus "grands",
je pense à Jésus Betz, L'Homme-bonsaï, L’Indien de la tour Eiffel ou La Fille du samouraï… Il y a beaucoup de choses hors-champ dans ces albums, et la plupart pourraient devenir des romans en y passant plus de temps, mais ce n'est pas notre préoccupation. On désire toucher les plus jeunes et leur donner envie d'en lire et d'en connaître plus, après cela. De devenir des lecteurs à vie ! Dès le début, nous avions envie d'histoires ni gentillettes, ni cousues de fil blanc, ni d'albums concept avec une petite pirouette à la fin… Pour ne pas lasser le lecteur d'abord et nous ensuite… Nous faisons de notre mieux pour garder cet axe quelques soient la conjoncture ou les déceptions commerciales liés à certains sujets abordés…
Mes garçons craquent pour Les Pompiers de Liliputia, que je considère comme un chef-d'œuvre de la littérature jeunesse, nous avons eu du mal à accepter que ce fût une fiction.
Quelle est la part de réalité de ce parc d'attraction new-yorkais ?
Merci ! Eh bien voilà, typiquement l'album qui fait "flop" ! Même si le livre à reçu le prix du meilleur album de l'année des Incorruptibles à sa sortie, il s'est très mal vendu, et pourtant nous sommes toujours très bien défendus par les libraires… Ce sont des centaines d'enfants qui avaient voté pour ce prix, mais dans le commerce, les nains ont effrayé les parents. C'est ce que nous pensons car en dédicace, face aux familles, nous avons souvent eu la réaction suivante : " Oh regardez, des enfants pompiers, c'est trop mignon !" Puis, "Ah, non, ce sont des nains en fait, c'est bizarre, pourquoi des nains, ça fait un peu peur les nains, non ?"
En fait nous n'avons pas inventer ces nains, j'ai juste imaginé le héros créant cette troupe de petits pompiers pour le spectacle, mais elle a vraiment existé. Dreamland, l'immense parc d'attraction aussi, le grand incendie de 1911 également, et ce sont les nains qui sont sortis en héros dans la réalité, il existe des photos d'aux dans la presse de l'époque, ils avaient sauvé leur quartier tandis que les vrais pompiers avaient échoué tout autour…
Un fait divers très américain qui a eu lieu à côté de New-York. J'ai imaginé que le héros était le fils caché du maire de N-Y, mais ça, ça ne pose de problème à personne, le problème, ce sont les personnes de petite taille…
Comme l'Opéra de Paris, dans Rose et l'Automate, les lieux sont-ils tous des personnages à part entière de vos récits?
Merci pour cette question ! Ils ont primordiaux en effet, car j'évite les récits du
quotidien qui m'ennuient souvent personnellement… Donc je situe toujours mes histoires dans des lieux, des pays que j'aime, à des époques qui m'intéressent, mais pour y traiter de sujets qui eux, peuvent être quotidiens. Comme les problèmes de famille, de transmission, de handicap, de différence, de manque de confiance en soi… Et ces décors en général, c'est le pied total à dessiner pour François ! Les deux font la paire !
J'ai l'impression que les dessins somptueux des Pompiers s'inspiraient d'Edward Hopper, me fais-je des idées?
François est dingue de Hopper, et d'illustration et de peinture américaine en général… La plupart de ses maîtres ont vécu de l'autre côté de l'Atlantique.
La Rose et l'Automate penche vers l'Expressionnisme allemand. Quelle serait votre référence absolue en peinture?
Je n'ai pas de référence absolue en peinture ni en littérature, je suis touché par beaucoup trop de choses et d'artistes. Pour Rose, François est parti de 400 photos prises dans l'opéra, et d'une de ses filles pour Rose, qui a posé pour l'occasion. Après le traitement les clairs-obscurs chers à François ont fait le reste…
Pour en savoir plus l'entretien fruité de Camille Emmanuelle sur les Chroniques de la vigne ...à la vôtre !
10:26 Publié dans Les grands Entretiens du mardi de Pardie | Commentaires (2) | | Digg | Facebook |
Commentaires
On est ici selon moi plus proche d'un Bauhaus gutural que de l'expressionnisme allemand. (quoi de mieux d'ailleurs qu'une redif de Faust de Murnau en novembre sous xanax par un clair obscur pluvieux)..... Mais on va pas chipoter
bel ouvrage en tout cas. Bisous
Écrit par : Lag Régé | 09/12/2013
Merci pour cet article, avec des journées pourries comme aujourd'hui, ton blog m'a bien occupé :-)
Écrit par : comparateur assurance voiture | 16/02/2014
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