27/08/2012
Je m'abandonne aux éclats brisés
Le journal offre une éternité à des incidents oubliés , à des bouleversements historiques, aux errements d'une âme. Et le papier leur donne une matérialité avant qu'ils ne se froissent, ne se consument ou ne servent à allumer une pipe d'opium. N'y voyez pas un éloge de la drogue, mais l'invitation au départ, car dites "opium"et vous êtes en Chine, étendu sur une paillasse, l'oeil perdu, sur une table de Majong. Entre deux robes de soie qui passent.
Chaque mot est un éclat de verre qui découpe une parcelle d'intimité, un fragment d'amour. Leur mosaïque délimite une silhouette, un être-soi. J'écris pour exercer une activité libre, comme courir, ou construire des Tour Eiffel en allumettes. La précision du lexique permet de mettre la main sur l'objet qui nous échappe. Dites "écume" et vous la tiendrez dans vos mains. Ils me semble que plus on est pataud et plus l'écriture participe à ce processus de ressaisissement. Vous pouvez écrire "mortaise têtiaire" mais vous n'arriverez jamais à la poser sur une porte. Pourtant à force de l'écrire vous verrez la porte, l'ouvrirez et découvrirez des mondes insoupçonnés.
J'aurai mon mot si je n'ai ma main.
Car chaque mot est une porte ouverte, et vous descendez des escaliers, descendez des escaliers, des escaliers. Vos rêves ont des étages.
Qui m'interdit de grimper sur le mot "étages", de marcher et d'agripper "je m'abandonne". À peine l'ai-je énoncé que me voilà basculant la tête en arrière.
23:30 Publié dans Inclassable | Commentaires (2) | Tags : littérature, journal, anaïs nin, rêve | | Digg | Facebook |