28/03/2013
Rock and roll and girls
"It's true, I'm kind of retarded. But I'm also kind of amazing", Hank Moody
Valentine remonta son tee-shirt.
- J’ai mangé comme une truie ! Et voilà ! Trois jours sans baise !
Elle montra son ventre.
-En même temps, je n’ai rien à me mettre sous la dent.
Elle remarqua son petit neveu.
- Oh ! Un enfant !...
Elle avait les cheveux en vrac et sautillait.
- Je suis une roller-girl, je suis une roller-girl.
- En tout cas t’as pas oublié ta planche à conneries, remarqua le bassiste.
Avec sa moustache, il se prenait pour Stanley Clarke. Il avait des visions et était persuadé que sa veste ouverte aérait ses poils. « Ils sentent les bonnes vibrations, tu sais il ne faut pas les brusquer, ils entendent tout. » Ce soir, le groupe devrait éviter l’amateurisme. La répétition était sur le point de commencer et Serge, torse nu, se pencha sur sa gratte, mais une bourrasque ouvrit la porte. Une grande brune. Il leva les yeux vers le trench-coat à boutons noirs.
- Je suis ta fille ! vociféra-t- elle.
Un ange passa. Les membres du groupe posèrent leurs bières.
Valentine se tourna vers sa batteuse et lui souffla : «Tu crois que c’est vrai ?
- Impossible, avec son nez, elle ressemble à Sollers, c’est pas une musicos.
Serge était rouge comme du Tabasco.
- Suivez-moi Mademoiselle, nous allons discuter de cela dehors.
Il devenait subitement courtois.
Valentine tenta de détendre l’atmosphère.
- Mademoiselle ? Connard ! C’est un mot sexiste !
Il prit la longue brune par la main.
- Regarde-le, il va nous laisser en plan, tu le crois ça ?
- Plus rien ne m’étonne, déjà que c’est pas du premier choix…
- T’as raison, je préférais encore l’autre con qu’est parti se recueillir à Menphis.
- Menphis ? Tu parles, il est allé voir sa pute, oui !
Elle aperçut son petit neveu.
- Oh ! Un enfant !...
Sophie alla chercher du miel pour s’adoucir la voix. Ce soir, le groupe se produisait à l’Elysée Montmartre, du sérieux. Il fallait espérer que le père caché revienne. Elles n’attendirent pas longtemps. Un coup de vent ouvrit la porte, il était de retour.
- C’est une amie qui voulait me faire une blague…
Ses joues n’étaient plus empourprées par la honte.
Il était pâlichon.
- Alors, t’es prêt Oliver Twist ? clama Valentine.
Sa batteuse pouffa.
- Ne te moque pas, ce n’est pas lui l’orphelin.
Il quitta la pièce précipitamment. Son estomac se nouait comme un nid de serpents.
Il vomit dans les toilettes sous le poster à moustache de Janis Joplin. Il releva la tête en se demandant qui avait bien pu graffiter le cliché. Puis il replongea la tête dans la cuvette pour cracher de la bile. Il se redressa en tentant de se souvenir du prénom de la copine de Janis, c’est vrai que Janis était bisexuelle. Puis il s’inclina définitivement. Il régurgitait de l’eau.
Pendant la répétition, Valentine avait l’impression d’être la Reine des abeilles. Tout le monde s’affairait autour d’elle. Elle était allongée sur son vieux canapé orange. Short noirs, bas clairs, talons azur, Sophie moquait sa sexitude. Elle tournait autour avec son mobile, pour prendre des photos accablantes. Toute la ruche bourdonnait sous les yeux émerveillés du petit neveu qui sentait confusément qu’il était au bon moment au bon endroit.
Serge, revint tout blanc avec un air d’apiculteur allergique. Il ne daigna participer que pour faire des références inaudibles à Stanley Clarke. Et se pencher sur les partoches fut une tannée.
Valentine travaillait une version féminine de « Whisky bar » qui présentait des risques d’implosion.
Sous la fenêtre l’eau de la fontaine jaillissait à gros bouillons. Les voitures longeaient les immeubles. Dans l’une des vitrines brillait un costume de Samourai.
Tout à coup, elle bondit hors du canapé, fiévreuse, excédée par le retard de sa podologue, car avant le concert, il n’eût pas fallu déroger au rituel superstitieux du massage orthopédique. Serge misait également sur la podologue pour résorber le début de panari dans ses santiags offertes, il y a des lustres, par Les Chaussettes noires.
Sonia, la choriste, une grande black aux cheveux dressés comme des canisses, rappela la pédicure.
Elle arrivait. Elle frappait à la porte. Elle était là.
Valentine ne lui dit pas bonjour.
- Tu as pensé à ce que je t’ai demandé ?...
La podologue sortit une seringue.
- Je te pique dans le mollet comme d’habitude ?
- Oui, avec mes cuissardes on ne verra rien.
Après l’intervention, la podologue demanda à Valentine comment elle se sentait.
Pour toute réponse, elle lui roula une pelle.
- Wonderwoman.
19 heures.
Tout ce petit monde prit son matériel sous le bras pour le déposer dans le 4x4 Vitara de Serge, près d’un bar. Un voiturier regardait Sonia bizarrement. Elle s’interrogea.
Serge lui suggéra de ne pas s’inquiéter. Serge était au jus.
- Il a cru que tu lui faisais des avances, c’est un club échangiste.
Les yeux de Sonia s’arrondirent.
- Y a pas de honte, Madonna y fête son anniversaire.
La fumée du 4x4 ne laissait aucune chance aux cyclistes. Lorsqu’ils arrivèrent à l’Elysée Montmartre, ils découvrirent une sorte de hangar lugubre, plein de poussière.
- C’est pour le retrait de marchandises ? demanda Sophie.
- Non, c’est là qu’on chante.
Le premier titre fut un succès, des filles aux cheveux bouclés, tatouées et à demi-nues se déhanchaient mais une spectatrice ne regardait pas Serge comme les autres. Il recula de deux pas. Sa tête heurta un stroboscope. Une heure plus tard, quand il passa un scanner, il songea à sa lâcheté. Valentine, Sophie, Sonia l’accompagnèrent. Elles terminèrent leur nuit aux urgences et firent les yeux doux aux internes. Mais ils n’avaient pas le temps.
Avec Serge dans le coma, nous sommes vraiment un Girls band.
03:15 Publié dans Nouvelles, récits | Commentaires (0) | Tags : littérature, nouvelle, girls, filles, rock, stanley clark, janis joplin | | Digg | Facebook |