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12/04/2013

Stone et Rolling

La trotinette filait à la vitesse de l'éclair, tournoyait entre les passants, frôlait les panneaux signalétique. Tous deux nous chorégraphiions nos déplacements aux millimètres comme des danseurs étoiles, des virtuoses de la glisse urbaine, car à l'air libre, notre entente atteignait son apogée, tandis que nous profitions de l'espace confiné de l'appartement pour nous mettre sur la gueule. Des héros de la voltige. La réalité des trottoirs s'évanouissait sous nos planches. Le grand attendait le petit, le petit attendait le grand et nous n'attendions personne. Papa courait derrière nous dans l'espoir que nous le guettassions dans un sursaut étonnant de reconnaissance filiale. Mais tel était le prix de notre complicité, et lorsque pris d' un désir héroïque, je soulevais la jambe droite en arc de cercle, mon cadet faisait de même, râpait les murs, ouvrait haut la bouche, roulait des yeux, poussait un cri, et se ramassait, pour remonter dans la seconde tel un cowboy, sur son destrier, afin qu'il ne soit pas dit que l'enthousiasme fût éteint, la flamme retombée.

J'ai toujours eu l'oreille musicale. Les chansons que je fredonnais avaient pour mérite une mélomanie que les passants qui se décalaient se retrouvaient contraints d'apprécier, tandis que mon cadet beuglait comme un veau des refrains méconnaissables. Nous aimions nous frôler tels deux pilotes de meeting aérien, conscients des risques, maîtres des technique, au fait de leurs effets. Dans la dernière descente, Papa au comble du ridicule, nous prenait en photo, l'espace d'un cliché, nous devenions la septième merveille de la rue, les Paul et Pierre qui roulent.

Nous tenions à prouver que la sécurité nous importait. Néanmoins maîtrisant mal notre distance de freinage, nous nous arrêtions au milieu de la voie, plutôt qu'en amont, croyant prendre garde aux dangers, espérant lire dans les yeux de notre père de la fierté, malgré ses dénégations et sa promptitude à nous reposer sur le trottoir.

Puis je filais et tu refilais, non sans me lancer au vol des insultes fraternelles avant de piler net dans devant le cabinet d'ophtalmologie, but ultime de notre voyage. Je sonnais à la porte. Nous retirions nos casques. Papa pliait les trotinettes. Et nous prenions place sagement dans la file d'attente, soudain rendus à nous-mêmes et privés de nos tapis volants.

 

 

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