30/03/2013
Les grands Entretiens du mardi de Pardie - Olivier BKZ
Olivier BKZ, auteur téméraire, nous suggère comment subsister d'amour et d'écriture. Il se paie le luxe de réactualiser les clivages littéraires. Nous nous prenons à rêver. Quelquefois, dans la nuit noire, nous sommes percutés. Interview d'un écrivain électrique.
Olivier Bkz vous vous autoproclamez écrivain survivaliste? Pouvez-vous donner votre propre définition du survivalisme? En quoi cette philosophie est-elle séduisante?
En réalité c'est parti d'une blague. Un ami japonais (bien que caucasien à l'extérieur) me qualifia un jour «d'écrivain survivaliste» pour rigoler, et j'ai gardé, même si mes textes n'ont que peu de rapport. Dans mon esprit il y a comme une notion à la fois sérieuse et grotesque, un peu comme ces types se réclamant des situationnismes, des post-modernistes ou de je ne sais quel cercle artistique aussi vicieux que minable !
Mais du coup je me suis intéressé au survivalisme, et j'y ai découvert un monde tout à fait fascinant! Plein de gens persuadés d'une fin du monde très proche - dé-normalisation est le terme survivaliste professionnel – et qui se mettent à construire des bunkers dans leurs jardins, y entassent pâtes et soupes lyophilisées. Certains publient même des vidéos sur internet où ils y expliquent, au milieu d'un tas d'armes de guerre, comment défendre son domicile, sa famille, ses enfants et son chien.
Mais il y a quelque chose dans le survivalisme que j'exploiterai surement un jour de manière plus littéraire. Une forme de folie authentique et nouvelle qui s'est développée subrepticement, surement due aux crises économiques. Si l'on exclut les survivalistes centrés sur les armes et l'auto-défense – délire paranoïaque ordinaire -, beaucoup de survivalistes passent un temps incroyable à faire des vidéos, ou tenir des blogs, pour expliquer comment faire un feu, trouver de l'eau potable, se soigner etc...
Je trouve cette folie attendrissante, car elle a pour but de sauver des vies en réalité, de vaincre la mort.
Quels seraient les ingrédients d'un bon roman survivaliste?
Bah... Je me suis fait atrocement chier en lisant «La route» de McCarthy, j'avais envie de me tuer à chaque page, mais en me faisant souffrir en plus. Pour un bon livre survivaliste dans les règles de l'art, je choisirais Ravage, de Barjavel, et «Je suis une légende», de Matheson.
Une autre façon de voir les choses serait de considérer le terme sur-vivalisme ou sur-vivant, c'est à dire des personnes «vivant plus que les autres». C'est sous cet angle détourné que l’on peut voir du sur-vivalisme dans mes textes.
Parmi vos textes lesquels conseilleriez-vous à nos lecteurs?
C'est dommage, au terme d'une crise de rage sans précédent je viens d'effacer mon blog littéraire, y a quarante-huit heures! «Possession»! Une nouvelle dont j'ai terminée la relecture aujourd'hui et envoyée à mon agent. Il s'agit – dans mon travail de nouvelles – de celle qui constitue l'aboutissement de près de quatre ans d'écriture. Ça ne veut pas dire qu'elle est bonne, mais qu'elle représente pour moi une étape importante. Bien sûr je t'informerai de sa sortie si sortie il y a.
Vous êtes par ailleurs le roi de l'humour grinçant et du second degré? La vanne dont vous êtes le plus fier?
En réalité je ne suis pas très fier de ça! Mon agent (littéraire) me le reproche souvent! Disons qu'entre mon travail d'écriture «sérieux», parfois j'ai besoin de décompresser. C'est comme une cour d'école, j'écris sur les réseaux une colère trop vulgaire pour servir à quoique ce soit dans mes textes. Malheureusement, beaucoup qui ne me lisent pas me réduisent à ça.
Bon pour répondre à ta question, à propos de ce ****d'Andy Vérol j'avais écrit «son œuvre se résume à des histoires passionnantes de clodos qui s'enculent sous des ponts d'autoroute. A part ça? L'histoire de mémé aux vergetures qui suçait sa bite quand il avait six ans.»
Je crois qu'elle était bonne, cette vanne, rapport à la réaction de ses amis qui en rirent beaucoup!
Est-ce que votre humour vous a déjà valu des déconvenues?
Des menaces de main-courante ou d’appeler les flics en privé, quand sur les réseaux les mêmes me promettent de violentes raclées. J'attends toujours! Ce ne sont que de vieux toxicos, un ramassis d'ivrognes bouffis! Pourtant, j'aimerai tellement qu'ils aient le courage de prendre ma vie! Au moins, j'aurais une fin digne, et alors je pourrais rectifier de l’au-delà: «ouais, finalement ces types étaient bien d'authentiques écrivains, et pas seulement de vieux renifleurs de chattes!»
Votre référence littéraire ultime?
C'est une référence de lecteur et non d'auteur : Phèdre, de Racine. Pour le fond, une histoire d'amour incroyable. Pour la forme aussi bien sûr, quand l'art s'élève si haut que le lecteur se retrouve avec quelque chose d'absolu, l'aboutissement d'une écriture qui devient tout, de la prose, du roman, du théâtre, de la poésie...
Vous vivez la nuit, à quoi ressemble une nuit de Bkz?
J'écris la plupart du temps. Ou je passe mes soirées en compagnie de belles beautés. J'ai décidé il y a quelques années de ne garder que deux choses dans ma vie, l'amour et l'écriture. C'est la même pulsion, en réalité.
Sinon je sors avec mon agent littéraire et ses lardus, des femelles aussi sexy que scandaleuses. Avec elles on essaye de trouver des soirées où se saouler à moindre frais, danser de manière grotesque et afficher nos mauvaises manières.
Votre agent est une pièce maîtresse de votre dispositif littéraire, parlez nous d'elle!
Mathilde Gibault. Elle est en réalité attachée de presse pour le cinéma. A ses heures de loisir et la nuit, lorsque je l'exige, elle a pour obligation de s'occuper de ma carrière, de la relecture à l'envoi de mes textes à quelques singes d'éditeurs ou gens médiatiques. En échange je lui reverserai trente pour cent de mes gains brut (brut et non net, c'est important de le préciser).
Mathilde bah... Oui, c'est une foutue pièce maitresse!
Sans elle je serais déjà mort trois fois alors, j'imagine que si un jour mes textes rencontraient la gloire, elle serait la seule à en retirer le moindre mérite. Elle est bien sûr plus qu'un agent, c'est un archange qui veille sur moi. Je pense parfois aux écrivains d'antan qui se trouvaient isolés, je les admire et je les plains. Je ne sais pas comment il est possible d'exercer ce métier de cinglé sans une protection divine de grande ampleur.
Vous pourfendez comme un pirate l'écriture des bons gros papas? Nous ressentons votre haine de l'écriture bourgeoise mais peut-on encore être subversif ?
En réalité la subversion n'a aucune importance. Lorsque je parle de bourgeoisie, je ne désigne pas un quelconque niveau social, même si j'ai pu constater dans les soirées d'éditeurs que les écrivains français publiés semblent génétiquement issus de la bourgeoisie.
La bourgeoisie dans l'écriture, c'est l'idée (en France) que seule une écriture nombriliste et dépressive correspond à une certaine forme d'art. Les séquelles de Céline, une même blessure rouverte par Houellebecq. L'année dernière un écrivaillon ne pouvant être qualifié de bourgeois m'écrivit un mail où il m'expliqua que je n'étais pas un «authentique écrivain», mes personnages faisant trop la démonstration de leurs sentiments et passions.
C'est très important cette philosophie, parce qu'elle modèle aujourd'hui le paysage littéraire français, et par-delà notre réalité. Le dégoût du sexe, de l'autre, de soi ou du monde, la dépression, se contrôler et taire ses sentiments, la prétention, n'éprouver aucune passion... Quand tu aimes et qu'elle part, je peux t'assurer que tu te traines à ses pieds dans la rue comme une merde en lui criant «je t'aime!» Quand t'as pas bouffé depuis trois jours, je peux te garantir que la première personne qui te croise en te demandant «ça va?» tu lui réponds «non, j'ai faim!». Pour celles et ceux qui n'en seraient pas convaincus, je les renvoie à Racine justement, Sand, plus un tas d'autres auteurs français qui travaillaient sur les «passions de l'âme», ou bon nombre d'auteurs modernes mais étrangers.
Choisissez deux livres à mettre à la poubelle, lesquels?
Pour rester dans la thématique le dernier Nicolas Rey racontant sa dépression et sa désintox.
Ensuite, je dirais un de Debord au hasard, parce que j'en ai ma claque d'entendre des mecs incapables de trouver leur trou du cul réciter du Debord.
Le projet qui vous tient le plus à cœur?
Faire publier la nouvelle de quatre-vingt pages dont je te parlais, Possession, et puis surtout finir ce premier foutu roman, «Ash t'es mon rêve américain», il ne me manque plus grand chose.
Pour celles et ceux intéressés par les vannes, il y a ce tout nouveau blog dédié à ma sauvagerie.
http://inpugwetrust.wordpress.com/
*** censuré par l'auteur du blog
21:36 Publié dans Les grands Entretiens du mardi de Pardie | Commentaires (5) | | Digg | Facebook |
Commentaires
Ah za oui oui oui elle était bonne cette vanne !
zam
Écrit par : zam | 31/03/2013
Fût un temps Zam, j'ai souvenir que vous ne faisiez pas toujours dans la dentelle, racontez-nous encore l'histoire de Mandela?
Écrit par : Sp | 01/04/2013
OSONS toutes les couleurs chamarrées de la vulgarité. OSONS !
jean-pierre
Écrit par : jean-pierre | 31/03/2013
Peu importe qu'il n'y ait pas de "roman terminé", la plupart des génies ont été "économes" dans leurs production, Maldoror n'a franchement que ses "Chants", Oscar Wilde n'a pondu qu'un roman, Salinger aussi, Proust "qu'un" grand oeuvre ; dans le cinéma, les courts de Keneth Anger ont plus d'importance que les longs de n'importe qui, Stéphane Drouot et "Star Suburb"... ; en musique, de Taxi Girl à Stockholm Monsters, UN "vrai" album, du Velvet à My Bloody Valentine - malgré les fonds de tiroirs de cette année - en passant par Joy Division (n'en déplaise à notre auteur, pas trop féru de cold wave) 2 disques et voilà - pourtant BKZ est loin d'être économe - et ses "vannes" sont beaucoup plus sérieuses que le 350 pages de n'importe quel roman qui se regarde écrire.
Écrit par : Rosario Ligammari | 03/04/2013
OSONS comparer bmx à Proust. OSONS !
Écrit par : jean-pierre | 14/04/2013
Les commentaires sont fermés.