30/09/2012
Bonne convalescence à l'alpiniste
Ils sautent des corniches de 15 mètres. Les filles de Chamonix mettent leur numéro de téléphone sur des billets de train, portent des anoraks et embrassent tous les garçons dans les compartiments.
Ils jouent aux échecs. Quand ils retournent chez leur maman à Chamonix, ils font croire que leur téléphone grésille pour que leur copine ne le sache pas. Les garçons de Chamonix sont pompiers, pisteurs, croupiers, guides de haute-montagne ou travaillent au PGHM. Moi, je m'en fous mais eux, on ne peut pas leur enlever le Mont-Blanc deux jours. Ou deux nuits. Les soeurs des gens de Chamonix sont jolies et boivent des alcools forts dans des bars en bois. Les gens qui ne sont pas de Chamonix ont envie de les réchauffer.
Ne leur dites pas qu'ils habitent aux "Houches" car l'appellation les vexe profondément et on ne sait pas de quoi ils sont capables. Chez eux, la saison commence toute l'année. La randonnée, l'escalade, le parapente, les raquettes, les cascades de glace, les trekks, le ski de rando, de piste, le hors-piste, les descentes chinoises, le rafting, le fartage, les balades en forêt, le génépi, les refuges, le Tour du Mont-Blanc, le Mont Saint-Bernard.
Quand ils partent en vacances, ils vont skier dans l'Atlas, au Kilimandjaro ou au Népal, tellement les aut' montagnes elles sont petites pour eux. Tellement c'est difficile, les gens qui sont pas de Chamonix trouvent que c'est du travail.
En Novembre commence la saison des Norvégiennes, juste avant les filles du Séminaire Flodor et pendant les Italiennes. Les gens de Chamonix sont cosmopolites mais avec leurs grossses doudounes, ils font du bruit la nuit et ça fait un peu peur.
Nous sommes un peu jaloux, car l'Aiguille du Midi n'est pas notre fiancée.
21:26 Publié dans Vie des autochtones | Commentaires (2) | Tags : chamonix, ski, voyage, pompier, pghm, filles, mer de glace, saint-gervais, houches, mont-blanc, anoraks, rafting, raquettes | | Digg | Facebook |
05/05/2012
Bleu acier (1ère partie)
Ethan se glissa entre deux entrepôts, dont l’interstice lumineux lui indiquait la direction du port. Il ne voyait rien, si ce n’est en baissant la tête quelques oranges qui roulaient sur le sol. Ses pas s’aimantaient au reflet moiré de l’eau et aux sirènes des porte-conteneurs. Il jeta un œil derrière lui et vit la colline de Haïfa plongeant vers la mer. Il avait du mal à imaginer que Haïfa ait pu être une étendue d’oliviers avant de devenir cette friche industrielle posée sur l’eau comme un rail rouillé. Il dépassa un entrepôt de chaussures, puis un local réfrigéré de fruits et légumes. Il marchait, avec la nonchalance d’un promeneur qui profite de chaque instant. Les porte-conteneurs lui paraissaient d’inquiétantes créatures d’acier, surmontées de grues rouges et son regard peinait à embrasser l’immensité de leur surface de portage. Il cherchait un bar pour y dérouler sa fin d’après-midi. La chaleur s’emparait de lui et la reflection de l’eau, loin de véhiculer l’air du large, figeait chacun de ses gestes dans une éternité ensoleillée. Chaque mouvement lui coûtait et accentuait son désir de s’asseoir sur une chaise.
Il était évident, en balayant l’ensemble des installations portuaires, que les hommes se laissaient happer par une volonté de saccager la Méditerranée, du moins Ethan le pensait-il en se baladant dans cette décharge à ciel ouvert, vidée de présence humaine à l’exception de quelques marins effrontés, qui sautaient de leur pont dans des flaques d’huile peut-être pour impressionner des navigatrices du dimanche, aux boucles brunes qui se déroulaient dans leur dos nu comme un tapis d’algues, et faisaient virevolter leur hors-bord dans le port avant de partir se balader en mer. C’était sans doute une manière de leur dire bonjour et de braver la saleté du quotidien dans des sauts héroïques, qui n’avaient pour seul mérite que de justifier à leurs yeux d’avoir mis un pied devant l’autre ce matin-là. Il les apercevait s’élançant dans un ballet rythmé, droits comme des citrons, avant de disparaître dans l’eau noirâtre pour mieux ressortir, fierrots en agitant la main. Mais toute cette ferraille lui donnait mal au cœur, ces carcasses, ces voyages sans âmes, ces soupirs sans amour. Ethan longeait désormais la mer, qui toute souillée qu’elle était de la fièvre du commerce, matérialisée par ces bateaux charrettes pleins à ras bord, toute souillée, conservait malgré tout cette bleuité d’innocence qui réveille les âmes fatigués de Joseph Conrad. Car la mer resterait le rêve d’immensité, malgré le village global, et l’uniformisation des cultures et le tout est dans tout et réciproquement. Elle serait toujours ce qui nous sépare de l’autre, de nos futures amours, de la fille qu’on aime, des enfants qui ont grandi, des rêves déchus.
Les oranges roulaient à ses pieds, c’était plutôt pas mal comme fin d’après-midi. Il trouva enfin un bar digne de ce nom avec des vrais marins dedans sans bérets à pompons. Il allait pouvoir se soûler jusqu’à la nuit tombée. Et pourquoi, lorsqu’il ne s’y attendrait plus, ne rentrerait-il pas avec une fille perdue sous le bras, cigarettes et ptites pépées. Ethan rêvait tout éveillé, aussi avait-il l’air un peu con quand il poussa la porte du bar. Il y aurait des chaises. L’établissement était tenu par deux cinquantenaires, disharmoniques, l’un parlait fort et vulgairement, l’autre n’arrivait pas à articuler un mot comme s’il avait eu une extinction de voix que l’imagination romanesque d’Ethan attribua sans ciller à un cancer des poumons. Le goût des maladies chez l’homme est inné un peu comme la marche, un baiser ou des frites. Dans le rade, enfumé en diable, ce qui corroborait l’hypothèse d’Ethan, qui lui valait de s’adresser au barman avec une sorte de pitié de circonstance, dans le rade étaient épinglés un portrait de Che Guévara, d’Oum Kalsoum, des photos du Sinaï, et des affiches géantes du Galatasarai. ce qui lui donna idée de commander un café turc, pour vérifier la raison obscure de ces amitiés ottomanes. Le café se révéla plein de marc, mais trompa sa solitude. Force était de constater que river ses yeux au fond de tasse constituait un début d’occupation. L’aphone toussa.
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16:33 Publié dans Nouvelles, récits | Commentaires (0) | Tags : mer méditerranée, voyage, conrad, amour, fille, eau, industrie | | Digg | Facebook |
15/04/2012
Los Angeles, prête-moi tes rollers...
La Cité des démons
Des écrivains ratés se promènent en Porsche, dont ils cassent les phares pour donner une impression vintage. Le fantôme des Doors marche dans le grenier. Les riffs se perdent dans la nuit. Les yeux d'enfants pétillent sous les enseignes de glaciers.
Rock me, burn me
Les skateuses qui couchent avec vous s’enfuient au petit matin avec vos vinyls. Les portes grincent. Kurt Cobain est mort. Une fille passe la veillée funèbre une bougie à la main au bord de l’Océan. Los Angeles est la ville du rock, et si vous portez un coquillage à l’oreille, ce n’est pas les vagues que vous entendrez.
Tentaculaire
Je rêve d’y aller mais tout le monde est déçu, c’est une ville d’échangeurs, de drive in, et de panneaux d’autoroutes. Sur les hauteurs, dans une petite maison, Julie Delpy écrit des comédies, dans lesquelles son père crève l’écran un saucisson à la main. Petite frenchy dans la grande ville. Elle ne sort pas : la fumée des Hummer l’intoxiquerait.
Venice is a bitch
Des canaux, de petites maisons, le refuge des poètes de la Beat generation, les marchands de glace, les streatballers, les palmiers, les embouteillages. Nous sommes inquiets : ne serait-ce pas la Croisette, mais en mieux ? Le dernier chic sur la plage, faire du footing avec des chaussettes hautes, des Ray-ban et un Borsalino sur la tête. La lumière est surexposée, ce qui donne l’impression de vivre dans les années 1980.
Où l'on se gondole
Venise Beach est le berceau de la planche à roulettes. "Travaille-le ollie pour t'envoyer en l'air" : telle est la devise des skateuses. Le fondateur du quartier, un certain Abott Kinney, admirateur de la cité des Doges, décida de transformer les marécages en canaux.
En 1905, des gondolieri participent à l'inauguration.
...à contre-courant
Saviez-vous que l’eau est froide ? L’Océan pacifique fait semblant de donner sa respiration à la ville. Ce qui rafraîchit les sportifs dans les salles de musculation à ciel ouvert. Les bateaux tagués échouent sur la plage, où ils se métamorphosent malgré eux en installation artistique.
"Dieu nous hait tous"
On mange une glace et hop on y va!
Outre les soirées organisées par le Los Angeles Time, l’une des principales distractions nocturnes réside dans la tournée des clubs de strip-tease. C’est pas glorieux, je sais.
Politique
Kérouac a laissé son empreinte hippie. Un vent de liberté a soufflé sur la lagune et les pontons, là où les rêves sont inoxydables.
Les habitants de Venice beach votent Démocrates, disposent de la plus grande clinique de soins gratuits du pays pour maintenir la mixité sociale, ne mentent jamais durant les repas mondains, ont une fille adoratrice de Satan, mais ça ne les inquiète pas, car vous savez quoi ?
Ils sont cools.
Fille à la vanille
Karen a quarante ans, est douce, compréhensive, terriblement sexy, et ne ment jamais. Un goût inné pour le bonheur. Le genre de fille qui joue de l’air guitare et mange des fausses pommes.
14:43 Publié dans Rêveries américaines | Commentaires (0) | Tags : los angeles, l.a, fashion, tendance, david duchovny, californication, voyage, littérature, beat generation, venice beach, hollywood | | Digg | Facebook |