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26/11/2012

Extrait futuriste

 

"Elle avait surnommé son Tamagoshi J’y peux rien, car ce n’était vraiment pas de sa faute si les gens ne se parlaient plus. Dès qu’elle voulait discuter avec lui de l’amour ou de ce qu’elle lisait dans les livres les réponses du robot frisaient le grotesque. Lorsqu’elle se laissait aller à des confidences amoureuses, il lui répondait invariablement « 72 pour cent des filles préfèrent les préliminaires » ou encore le très mystérieux « Les actions les plus simples sont parfois les plus difficiles à réaliser ». Tout portait à croire que le toqué était paramétré par des analphabètes. L’époque aimait compter, moins on avait de choses à se dire, plus on donnait des chiffres. J’y peux rien faisait appel aux sondages pour répondre aux questions."

 

                                                                              ...à paraître

 

 

21/11/2012

La deuxième partie de la première séance (suite)

Bérénice préférait voir "La nuit juste avant les tisanes", l'histoire d'une cultivatrice kirghize qui accouche seule, dans son champ.Bérénice des idées baroques. Elle aime se balader à Bruxelles et lit Cioran. Cioran, ça a l'air tellement triste, que quand je vois Bérénice qui le lit, je pleure, rien qu'a l'idée qu'elle le lise, je ne veux pas que Cioran fasse du mal à Bérénice, je lui aurais bien dit mes quatre vérités, mais il est mort..le crétin.

Nous sommes donc entrés dans le cinéma si-indépendant-qu'il-est- marginal, moi, je me laissais guider je regardais Bérénice, mon écran noir à moi, Bérénice a un bonnet de laine, des cheveux blonds, qui descendent en torsades, sous le couvre-chef et juste ça  c'est le générique de début de Bérénice parce que après, sa taille ravissante ressemble à une liane , et son short, indicible, un short indicible. Berenice s'est retournée et m'a souri.

Elle n'est pas très bavarde, elle s'est fixé une règle, jamais plus de trois mots! Je la connais parce que je suis malin. La règle du mystère. Trois mots. Miss, terre, rieuse. Même si on lui chatouille les pieds avec des chamallows, elle ne parlera pas, car il y va de sa capacité de séduction, et la capacité de séduction chez une fille, c'est sacré, comme le soleil chez les Mayas ou la planche de surf au Pays Basque. Les campeurs mangent dessus. 

À maline, malin et demi. Du coup ce jour-là je ne parlais plus, je la suivais, j'étais muet, j'étais mutique, j'étais mythique, et pour couronner le tout,cerise sur le générique, elle avait des talons hauts qui claquaient sur le parquet du café, au milieu des photos d'exploitation. Vous vous dites que je me fais des idées, que je fanfaronne, je ne vous mens pas mais je vais être honnête, Bérénice n'est pas ma petite amie, c'est une copine, mais je la verrais bien comme ma petite amie qui parlerait italien couramment et qui serait hyper cultivée en cinéma, tellement cultivée, genre silence ça pousse. 

J'étais décidé à passer à la vitesse supérieure, mais avec ce film Kirghize sur les tisanes, et ma stratégie du mutisme cela  ne facilitait pas le contact!  Ha oui, j'ai oublié de vous le dire mais je suis brun. Ainsi nous avions à nous deux trois mots de vocabulaire pour nourrir la conversation. Silence ça pousse. 

16/11/2012

La première séance

J’ai eu de la chance. Je n’ai même pas eu à l’inviter, Bérénice m’a trainé voir un film d’art et d’essai, (soupirs trois fois) c’est sûr qu’avec un nom comme ça elle allait pas me proposer de voler des bagnoles. Ni une, ni deux, je mets ma plus belle chemise, avec des surpiqures qui brillent, façon Brodeback montain, sans le cheval, mais avec Bérénice et nous voilà dans une ruelle étroite, ringarde à côté d’un magasin de pelotes de laine. En face du cinéma indépendant, mais je dois vous faire une confidence, il était pas indépendant, il était pire. Il était tellement indépendant qu’il était marginal. Il était tellement noir qu’au début j’ai cru que c’était un magasin de téléphonie pour appeler en Syrie avec des cartes prépayées, mais j’ai levé les yeux et avec Béré on a vu les affiches.


Deux films. Deux chefs d’œuvre.

Un film grec « La laitière ne passera pas trois fois »
Dessous y avait des extraits de journaux pour nous donner envie de le voir.
Télérama, « On rit, on pleure, on boit du petit lait »

Oui je sais, j’ai trouvé que c’était un peu limite comme jeu de mots, c’est pas mon genre. Moi j’aime l’humour fin, l’humour qui fait réfléchir.

Technikart, vous savez, c’est un gros magazine avec que des mots nouveaux dedans comme "métrosexuelle", "drum and bass", "cougar"
Donc Technikart ils avaient mis « Un film grec tellement intelligent qu’il fait tourner le yaourt » Et ils concluaient Vous allez être brassé »

Bérénice de toute façon, elle avait choisi avant de venir.

04/11/2012

Missive hivernale

Ma Chère Solange, ma toute bonne, ma chère soeur,

Je m'aperçois que je vous écris l'hiver lorsque les champs sont en jachère, quand les tâches quotidiennes se raréfient, et que le soleil se retire du monde comme pour faire écho à notre voeu. Nous avons reçu cette semaine cinq séminaristes. Je leur ai fait du coq au vin. Nous avons longuement disserté sur le rôle que Saint-Jean attribue à cet animal dans le Nouveau Testament, puis nous l'avons mangé et nous nous sommes régalés, les jeunes aussi. Ils sont pleins de fougue et ont le souci de leur voeu. J'ai vu à son regard que le Père supérieur ne restait pas insensible à leur piété.

Nous sommes coupés du monde, oh ma Solange et vous le savez mieux que moi, mais un autre petit évènement a eu lieu : un cinéaste, Xavier Beauvois est venu projeter dans la chapelle un long-métrage sur les moines de Tibérine, nous avons tous chanté durant les scènes de messe, les scènes de messe sont mes préférées. Le cinéaste pleurait et le Père supérieur ne restait pas insensible à son talent. Ma toute bonne, je continue à lutter contre mes mauvaises pensées. "C'est une bien étrange chose que de se retirer du monde pour adorer quelqu'un qui n'existe pas", m'a dit la boulangère. Combien de temps devront nous subir les réflexions des mécréants? Cependant ses miches sont délicieuses et elles nous ont permis de saucer le coq au vin. Nous nous résignons à ne pas tancer son opinion quand elle passe dans l'Abbaye avec sa fourgonnette, ou nous apporte ses baguettes en robe légère, se penche pour nous donner ses cagettes. La méditation m'aide.

Je préfère la voie escarpée que nous avons suivie. Nos plaisirs sont simples  : l'adoration du Seigneur, l'adoration du Seigneur et l'adoration du Seigneur. Et je serais de bien mauvaise foi ma Solange, si je vous soutenais que nous nous ennuyons.

Je vous remercie encore pour vos lettres et vous recommande à LUI.

                                                                        Votre dévoué Père François